Publié le 29.04.2024

Appel à manifestation d'intérêt "Émergences"

Former les ingénieurs aux enjeux de la transition socio-écologique

L’INSA Lyon s’est lancé en 2019 dans un vaste chantier visant à former 100 % de ses étudiants aux enjeux socio-écologiques. L’objectif : faire de ses diplômés des acteurs de la transition au sein des organisations qui les emploieront. Retour d’expérience.

Former tous les étudiants aux enjeux socio-écologiques

L’INSA Lyon a adopté en 2019-2020 une feuille de route visant à inscrire les enjeux de la transition socio-écologique au cœur de la formation, pour tous les élèves-ingénieurs (environ 1100 par promotion), sur les cinq années du cursus.

Les grandes lignes du socle commun de contenus sont les suivantes :

  1. introduction aux limites du système Terre et à l’Anthropocène
  2. les enjeux climat-énergie
  3. les enjeux du vivant
  4. les enjeux des ressources
  5. les leviers d’action
  6. quels futurs possibles/souhaitables ?

Ce socle doit être déployé pour partie dans les disciplines existantes, et pour partie dans des enseignements nouveaux, dédiés, privilégiant une approche systémique et transdisciplinaire. Au total, ces enseignements représenteront 24 crédits ECTS, au minimum, sur les 5 ans que dure le cursus ingénieur.

Retour d’expérience

Il est difficile, mais néanmoins réalisable, de faire de la place dans des maquettes de formation. Disposer d’une feuille de route, votée par le conseil d’administration de l’établissement, avec des objectifs chiffrés et un calendrier de mise en œuvre, s’est avéré être un atout décisif, par rapport aux établissements qui n’en disposent pas. Un portage politique fort par la direction est indispensable pour maintenir l’effort dans la durée. Bien avancé, le chantier n’est cependant pas achevé (le sera-t-il jamais compte tenu du sujet ?).

Un socle commun de contenus a été élaboré par des groupes de travail thématiques réunissant plus d’une centaine d’enseignants de toutes disciplines.

Un enseignement intitulé « Enjeux de la transition écologique » a été mis en place en 1ère et 2e années pour tous les élèves (50 h de face-à-face au total).

Les thématiques du socle commun sont déclinées de manière différente d’un département de spécialité à l’autre.

Les enseignements qualifiés de « non dédiés », qui correspondent aux séquences pédagogiques abordant les enjeux socio-écologiques au sein des enseignements disciplinaires existants, sont paradoxalement moins avancés que les nouveaux enseignements transdisciplinaires "dédiés". Leur articulation pour en faire un tout cohérent, dans le cadre d’une approche programme, s’avère délicate.

Un collectif d’une cinquantaine d’enseignants du groupe INSA a créé une trentaine de supports pédagogiques qui feront prochainement l’objet d’une publication, en partenariat avec la Fondation UVED.

Des défis majeurs pour les enseignants

Pour les enseignants, l’introduction des enjeux socio-écologiques dans la formation soulève au moins trois défis : 

  • Le manque de légitimité ressentie, lié à la nécessité de s’aventurer hors de son champ d’expertise disciplinaire et, plus largement, la structuration du monde académique en silos disciplinaires.
  • La difficulté à problématiser des enjeux socio-écologiques qui, par nature, sont des questions socialement vives, et qui engendrent des questionnements sur :
    • le rôle et la responsabilité (éthique, civique…) de l’ingénieur
    • la non neutralité de la science et de la technique
    • et, par voie de conséquence, le rôle et la responsabilité d’une institution d’enseignement supérieur et des membres qui la composent. Questionnement vis-à-vis duquel les collègues des sciences dures en particulier sont rarement à l’aise. 
  • De manière plus générale, les enseignants et enseignants-chercheurs sont certainement insuffisamment formés à travailler en équipes pluridisciplinaires, sur des sujets sociétaux complexes et systémiques. Il faudrait repenser leur formation initiale et continue (cette dernière étant extrêmement limitée) pour les doter de compétences nouvelles.

L’expérience de ces quatre dernières années s’avère néanmoins très positive dans la mesure où plus de 150 enseignants et enseignants-chercheurs de l’INSA Lyon se sont mobilisés et ont montré qu’il était possible de monter fortement en compétence sur des enjeux particulièrement complexes, en s’acculturant et en se formant entre pairs (avec le soutien de l’établissement qui a octroyé un volant d’heures aux enseignants qui ont investi un temps conséquent).

Cette dynamique d’évolution de la formation se développe également à l’échelle du groupe INSA, comme en témoigne le projet ClimatSup INSA, dont la dynamique a été lancée en partenariat avec The Shift Project, et dont le déploiement se poursuit depuis, en partageant des objectifs de formation communs, en échangeant expériences et bonnes pratiques et, autant que possible, en mutualisant des ressources. 

Une vision des ingénieurs qui évolue  

Le chantier d’évolution de la formation à l’INSA Lyon a engagé une réflexion autour de la question « Quel(s) ingénieur(s) pour la transition socio-écologique ? ». Question vertigineuse, à laquelle il est cependant possible d’apporter quelques éléments de réponse, sans jamais clore le débat. Si l’ingénieur est souvent caractérisé par son haut niveau de compétence technique, il devra désormais systématiquement questionner les systèmes techniques dans leur contexte social (usages, besoins, rapports sociaux, finalités, valeurs sous-jacentes…), c’est-à-dire comme des moyens pouvant servir différentes finalités.

Plus largement, la direction de l’établissement a formulé la proposition suivante : que l’ingénieur INSA Lyon « s’engage et agisse avec détermination pour la transition vers un monde écologiquement sûr et socialement juste », faisant référence à l’espace sûr et juste respectant à la fois les limites planétaires et le plancher social (le « donut » proposé par l’économiste Kate Raworth). 

Vers une intégration des enjeux socio-écologiques dans l’ensemble des missions et activités de l’INSA Lyon 

L’ambition de former tous les étudiants aux enjeux socio-écologiques soulève assez naturellement la question de l’acculturation et de la formation de l’ensemble de la communauté académique (ensemble des personnels).

Comment mieux intégrer les enjeux socio-écologiques dans l’ensemble des missions et activités d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche ?

Comment ne pas traiter ce sujet comme « en plus ou à côté de nos missions et activités habituelles » mais plutôt comme « partie intégrante de nos missions et activités » ?

Pour aborder ce questionnement en impliquant fortement la communauté des personnels, des étudiants, de toutes les parties prenantes, l’INSA Lyon organise une Assemblée pour la transition écologique et sociale. Inspirée par la Convention citoyenne pour le climat et par la Convention des entreprises pour le climat, cette Assemblée se tiendra de mai à novembre 2024 et contribuera à réactualiser la stratégie de l’établissement et à élaborer le schéma directeur DD&RSE demandé par le MESR.  

Auteur(s)

  • Directeur de la transformation socio-écologique à l’INSA Lyon
  • Chargée de mission transformation socio-écologique à l’INSA Lyon et pilote de projet ClimatSup pour le groupe INSA