Publié le 26.03.2024

Discours de Sylvie Retailleau : vers l'Acte II de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur

Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours en faveur de l'Acte II de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur à la Cité Internationale Universitaire de Paris le jeudi 26 mars 2024.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Mesdames et Messieurs les Rectrices et Recteurs de région académique,

Mesdames et Messieurs les Rectrices et Recteurs délégués à l’ESRI,

Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,

Mesdames les Directrices, Messieurs les Directeurs,

Mesdames et Messieurs les membres des équipes de direction,

Chères et chers collègues,

Chers toutes et tous,

Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, dans ce lieu emblématique du savoir qu’est la Cité Internationale Universitaire de Paris, que je remercie pour son accueil chaleureux.

Si le printemps se fait attendre, cette « Spring Party », à l’occasion de la présentation du Cahier de Tendances 2024, reste néanmoins une occasion unique de réunir les différents acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci à l’AEF d’avoir, une fois de plus, rendu cela possible.

Un moment d’échange comme celui-ci est un bel exemple de ce que la pensée et le travail collectifs peuvent produire. Aussi, je ne doute pas qu’ensemble, nous saurons dessiner un nouvel avenir pour notre écosystème.

Comme vous le savez, le 7 décembre dernier, le président de la République a présenté sa vision pour l’avenir de la recherche française. À cette occasion, il a formulé des principes forts pour faire évoluer l’organisation de notre système de recherche et l’adapter aux défis à venir, en le rendant plus lisible, plus efficace, et donc, plus performant.

Les propositions exposées en décembre tiennent en 3 points :  placer la science au cœur de nos décisions et renforcer l’attractivité des métiers de la recherche ; clarifier les modalités de pilotage des organismes nationaux de recherche et des universités ; et enfin, regagner en simplicité pour redonner du temps de recherche à nos chercheurs et enseignants-chercheurs.

Pour réaliser ces différents objectifs, mon ministère a construit une feuille de route de transformation de l’ESR qui s’appuie sur trois axes :

Le premier axe a pour objectif de clarifier le paysage de la recherche et de recentrer chaque acteur de la recherche sur la spécificité de son positionnement.

Les grands organismes nationaux de recherche deviennent donc pilotes d’agence de programme, en interaction forte avec l’espace européen et international de la recherche. Les universités deviennent quant à elles cheffes de file de l’ESR sur leurs territoires, coordinatrices de la recherche et de l’innovation à l’échelle de leur territoire, en lien fort avec les besoins de formation.

L’objectif, vous le savez, est de mieux définir l’articulation entre les différents acteurs de la recherche, et d’optimiser l’organisation globale de l’écosystème de recherche et d’innovation, en particulier pour le rendre plus en mesure de répondre aux grandes transitions auxquelles nous faisons face : écologique, énergétique, numérique et de santé.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer de manière plus précise sur ces évolutions.

Le deuxième axe vise à modifier le positionnement et l’organisation de mon ministère pour qu’il adopte une posture plus stratégique vis-à-vis de ses opérateurs. Je ne m’attarderai pas aujourd’hui sur ce chantier majeur, qui implique également de repenser le positionnement des rectorats de région académique, et que j’aurai l’occasion de développer dans les prochains mois.

Enfin, le troisième axe de notre feuille de route a pour but de rendre le système plus efficace et plus performant en s’appuyant sur deux leviers :

D’abord, nous travaillons à la simplification organisationnelle et administrative de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Ce « choc de simplification », c’est LA priorité et je sais combien nos chercheurs en ont besoin. Cela passe notamment par la mise en œuvre, sur le territoire national, d’une série de mesures pour faciliter le quotidien de nos chercheurs, enseignants chercheurs et personnels d’appui. Au-delà des chantiers nationaux, des expérimentations ont également lieu dans 17 sites pilotes, où organismes de recherche et universités travaillent ensemble à la simplification de la recherche.

Ensuite, nous devons donner plus de marge de manœuvre à nos universités, leur faire davantage confiance, tout en les responsabilisant, et en les engageant sur des objectifs concrets, portés en particulier par les Contrats d’Objectifs de Moyens et de Performance qui préfigurent le nouveau contrat quinquennal qui sera déployé à partir de 2025.

C’est l’un des objectifs de l’acte 2 de l’autonomie des universités, sur lequel j’aimerais particulièrement me concentrer aujourd’hui, et qui ne peut aller sans une réelle responsabilité des universités, mais également du ministère.

Car l’objectif est bien celui-ci : un renforcement de l’autonomie associé à un véritable pilotage du ministère et à une réelle capacité de déploiement des stratégies particulières des établissements et des politiques publiques. L’un ne peut aller sans l’autre.

Oui, il convient de dégager des marges de manœuvre et des leviers d’action au bénéfice des universités.

Oui, il convient de renforcer la confiance réciproque.

Mais oui, également, il importe de responsabiliser l’ensemble de notre écosystème : fixer des objectifs clairs, vérifier la capacité de pilotage de l’établissement et, au bout du compte, évaluer des résultats et, j’ose le dire, une performance. Une évaluation qui ne « regarde pas tout », une évaluation qui se concentre sur le pilotage de l’établissement, sur la qualité de la mise en œuvre de la stratégie et une évaluation qui « dit » et met en avant ses points saillants. En un mot, une évaluation dont on tire des conséquences. L’établissement comme le ministère.

Pour autant, et il m’importe de le dire avec force, l’autonomie et la performance ne sont pas une fin en soi.

La plasticité offerte par l’autonomie, tant sur la gestion administrative que sur le pilotage des ressources, doit permettre une meilleure mise en œuvre des missions de nos établissements, en formation initiale et continue comme en recherche et en innovation, au service de tous les étudiants, et, au-delà, de toute la société.

Certes, l’autonomie vise à renforcer la performance, l’attractivité et la souplesse de fonctionnement des établissements. Mais elle ne signifie pas pour autant indépendance, et le tout est de trouver le point d’équilibre entre les objectifs de l’État, qui doit assurer l’égalité d’accès au service public, avec la préservation d’une certaine liberté et capacité d’initiative locale.

Par-dessus tout, l’autonomie assure l’objectif de préservation de la liberté académique.

Elle joue un rôle central pour la liberté de la science : pensées autonomes et critiques, développement de connaissances originales, identification des défis scientifiques et sociétaux à relever, et lien à la société dans son ensemble.

Elle est un rempart contre toutes les dictatures, et elle permet de protéger nos démocraties.

L’État, pour sa part, reste bien évidemment fondé à exiger de chaque établissement le respect de valeurs et de principes, le sérieux dans la gestion, et l’ambition dans le déploiement du service public.

C'est le moyen qui change, puisqu’il s’agit désormais d’atteindre ces objectifs grâce à la responsabilisation des établissements, et à des engagements contractualisés avec l’État. L’autonomie n’est alors qu’un « outil ». Un outil mis au service de cette ambition. Un outil dont chaque établissement doit pouvoir se saisir à l’aune de sa stratégie, de sa capacité à « faire » et de son ambition. L’un aura besoin de souplesse pour ajuster son offre de formation au plus près des besoins économiques du territoire, quand un autre voudra piloter son patrimoine immobilier pour faire campus avec ses partenaires, et un troisième voudra renforcer ses leviers RH pour renforcer son attractivité et assurer la pleine mobilisation de ses personnels.

Cette variété fait la richesse de l’ESR français et permet aux établissements de mobiliser leurs acteurs autour d’un projet de proximité, à l’échelle des personnels et des étudiants, plutôt qu’autour du seul projet national, trop distant pour être pleinement mobilisateur.

Si l’objectif est compris, il n’en demeure pas moins que, à l’échelle européenne, la France est en bas des classements en matière d’autonomie accordée aux établissements d’enseignement supérieur. Si l’on observe un léger progrès depuis 2011, elle se classe toujours parmi les derniers pays, selon le baromètre de l’European University Association (EUA).

C'est la raison pour laquelle l’acte 2 fait partie des axes majeurs de la feuille de route posée par le Président de la République dans son discours du 7 décembre dernier.  

Si en 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités avait été le déclencheur de ce que l’on a communément appelé par la suite « l’acte 1 de l’autonomie », une grande partie des marges de manœuvres accordées aux universités restent encore aujourd’hui sous-utilisées par les établissements, pour des raisons qui tiennent à leur méconnaissance de ces marges ou à un contexte politique peu favorable à leur mobilisation.

Il est donc essentiel d’achever pleinement cet « acte 1 » avant de mettre en œuvre un « acte 2 » dont on doit cependant déjà envisager le déploiement.

C’est ce à quoi nous a invité le Président de la République qui nous a donné jusqu’à l’été 2025 pour que de nouvelles démonstrations d’autonomie puissent être apportées avec les établissements qui y sont prêts.

Les critères d’autonomie des universités posés par l’European University Association (EUA), constituent des indicateurs forts pour guider notre travail. Ils se déclinent en quatre points :

  • L'autonomie institutionnelle qui confère aux universités le pouvoir de décider de leurs structures de gouvernance, comme l’a permis l’ordonnance 2018 avec les établissements publics expérimentaux (EPE), et de définir leur stratégie et leur politique scientifique.  
  • L'autonomie pédagogique, qui permet aux universités de proposer les formations de leur choix et d’accueillir leur public afin de pouvoir être vraiment responsables de la réussite des étudiants.
  • L'autonomie financière, avec un modèle économique permettant une meilleure gestion du budget des établissements, en fonction de leur politique ainsi que la possibilité de percevoir des ressources propres, de les développer et de les utiliser plus librement. La dévolution du patrimoine immobilier est un élément important de l’autonomie financière avec une réflexion nécessaire autour de l’emprunt.
  • L'autonomie en matière de ressources humaines, en tendant vers la maîtrise du recrutement et de la gestion de carrières des personnels de l’établissement.

Je redis, par rapport à ces critères de l’EUA, qu’il faut trouver le point d’équilibre entre des objectifs complémentaires : ceux de l’État, gardien de l’égalité d’accès et de la qualité du service public, ceux des universités cheffes de file sur leur territoire et de leur nécessaire capacité d’initiative locale.

Ce nouvel acte commence donc dès maintenant. Mais l’autonomie ne peut pas être décrétée, elle doit se développer sur un rapport de confiance entre l’État et les universités, tout en s’assurant de la capacité des établissements à l’exercer et de celle du ministère à piloter.

C’est pourquoi cet acte débute par une première phase de travail préparatoire, menée par mon cabinet et la DGESIP, et que je propose de commencer avec quelques sites dont la diversité se veut représentative du paysage français de l’enseignement supérieur et de la recherche, et que je remercie sincèrement pour leur contribution.

Ces établissements que je souhaite « pilotes » sont : Sorbonne Université, l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, l’Université de Rennes, l’Université de Bordeaux, l’Université de Pau, Aix-Marseille Université, l’Université de Perpignan, l’École Centrale de Lyon et l'Université de Haute-Alsace.

Cinq thèmes, basés sur les critères de l’Association européenne des universités et que j’ai rappelés, leur seront proposés pour mener des actions visant à étudier la faisabilité de nouvelles mesures d’autonomie : gouvernance, offre de formation, finances patrimoine immobilier et ressources humaines.

Cette phase, qui est en quelque sorte « préparatoire à l’acte 2 », consiste donc à accompagner des établissements pilotes selon un modèle « sur-mesure ». Pour y parvenir, des inspecteurs généraux vont se rendre dans chacun des établissements dans les semaines qui viennent afin d’identifier les marges d’autonomie qu’il serait pertinent de leur laisser et cela, une fois de plus, selon leurs spécificités respectives.

D’ici la fin du printemps 2024, l’objectif est, vous l’aurez compris, de disposer du cadre général permettant d’initier, à l’été 2024, les premiers travaux au sein des sites retenus.

Le travail ne fait donc que commencer. Nous allons le conduire en dialogue constant avec France Universités et les conférences d’écoles et, tout autant, avec les représentants syndicaux et les organisations représentatives des étudiants que je rencontrerai le 9 avril.

L’objectif est clair : mettre en place les conditions d’une autonomie renforcée chez quelques-uns durant une année et commencer à en tirer des enseignements pour un véritable acte 2 de l’autonomie.

Mais ce travail ne peut être envisagé sans une réflexion conduite avec le HCERES dont l’évaluation doit, comme l’a demandé le Président de la République, être plus resserrée, moins longue, davantage axée sur la capacité de pilotage d’établissements auxquels on doit ensuite faire confiance et, enfin, plus saillante dans ses conclusions.

Je n’en prendrai qu’un exemple en matière de formation dont les COMP ont déjà révélé combien il convenait encore de gagner en termes de pilotage de l’offre. Là encore, il faut aider les universités à être mises en capacité de piloter cette offre et, ensuite, leur faire confiance. Leur faire confiance durant 5 années, durant lesquelles elles pourront librement et constamment la faire évoluer au regard d’indicateurs de performance contractualisés avec l’État. Et ce n’est qu’à l’issue de cette période que le ministère sera en mesure d’en tirer des conséquences.

Concrètement donc, dès la semaine prochaine, les inspecteurs généraux se rendront sur les sites pilotes pour cadrer cette première phase et préparer la signature des avenants qui seront passés aux contrats d’objectif et de moyens de chacun des sites concernés. Ces avenants seront discutés en CA de chaque établissement entre les mois de mai et juin, de façon à ce que la phase d’expérimentation démarre pour juillet 2024. Nous entrerons alors dans une seconde phase de travail, qui s’étendra jusqu’en juillet 2025 et qui nous permettra collectivement de réfléchir au sens même de l’autonomie, à la bonne application des mesures pouvant la conforter, et aux évolutions à mener pour accéder à « l’acte 2 ».

La méthode expérimentale que nous avons choisie, si chère aux scientifiques et qui consiste à partir d’une réalité empirique pour valider ou invalider une hypothèse, nous permettra ainsi de travailler en bonne intelligence avec les établissements, au plus près du terrain.

Cette méthode « ascendante », fondamentalement démocratique, garantira, je l’espère, une meilleure adhésion des acteurs aux mesures qui pourront être annoncées par la suite.

Car je le répète : l’idée est bien, à l’issue de cette première phase pilote, d’étendre les mesures retenues à tout le territoire national et d’élaborer, si nécessaire, un projet de loi.

Comme vous le voyez, le travail qui nous attend est encore important, mais je redis toute ma confiance dans les universités et dans les acteurs et les actrices de terrain qui portent, avec mon ministère, cette ambition de transformation structurelle de notre écosystème.

Je vous sais, comme moi, déterminés à avancer, et je vous remercie pour le chemin déjà parcouru.

En attendant nos prochains rendez-vous, je vous souhaite à toutes et à tous une très belle soirée.

Je vous remercie.

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Service presse du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR)

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