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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanction disciplinaire

nor : ESRS2402914S

Décision du 25-1-2024

MESR - Cneser

Madame XXX

N° 1769

Frédérique Roux, rapporteure

Séance publique du 11 janvier 2024

Décision du 25 janvier 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a engagé contre Madame XXX, maître de conférences, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement. Par une décision du 14 juin 2023, la section disciplinaire a infligé à Madame XXX la sanction de révocation de l’établissement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel.

Par une requête en sursis à exécution du 20 juillet 2023 enregistrée au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 26 septembre 2023, Madame XXX, représentée par Maître Didier Girard, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de suspendre l’exécution de la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Madame XXX soutient qu’en premier lieu cette décision est irrégulière ; qu’en effet elle comprend des dates contradictoires et méconnaît l’obligation procédurale d’emploi exclusif de la langue française ; que l’administration a violé à de multiples titres les droits de la défense, dès lors que Madame XXX n’a pas eu accès à l’intégralité du dossier, que la procédure a méconnu le principe du contradictoire, que le dossier disciplinaire soumis aux premiers juges était irrégulier, en ce que notamment il n’était pas numéroté et organisé et que la décision de blâme qui lui avait précédemment infligée ne devait pas se trouver dans ce dossier, et qu’une enquête occulte a été réalisée et présentée aux tiers comme menée pour le compte de l’université ; que l’audition des témoins s’est déroulée de manière irrégulière ; que les premiers juges ont statué ultra petita, ont omis de répondre à un moyen soulevé par la requérante, ont méconnu la règle de l’acquiescement aux faits et, en appliquant les dispositions du décret du 21 décembre 2021, ont fait une application rétroactive de la loi répressive ; qu’ils ont enfin méconnu les délais d’instruction et de jugement prévus par le Code de l’éducation ; qu’en second lieu cette décision ne peut qu’être censurée sur le fond ; qu’en effet de nombreux faits qui sont reprochés à Madame XXX sont indubitablement et irrémédiablement prescrits ; que le premier grief, tiré de l’appropriation par cette dernière des idées de Madame YYY, est infondé ; qu’il en est de même du deuxième grief tiré de manquements déontologiques consistant à exploiter à son profit le travail de doctorants ; que, s’agissant du troisième grief, Madame XXX ne s’est jamais volontairement appropriée le travail d’autres plasticiens ; que si certaines présentations de sa biographie ont pu être erronées, elles ne résultaient pas d’une volonté de modifier cette dernière à son avantage et ne justifient pas une sanction disciplinaire ; que si elle a pu répondre à des appels à projets collectifs en associant plusieurs collègues et doctorants, elle a toujours averti ces derniers ; que, s’agissant de lettres de recommandation que les premiers juges ont qualifiées de fausses, il n’est pas établi qu’elles le soient, l’un des auteurs ayant pu oublier avoir signé une telle lettre ; qu’en tout état de cause ces faits sont prescrits ; qu’enfin la sanction prononcée, à savoir la révocation avec effet immédiat, est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire, accompagné de 39 pièces versées au dossier, le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de ne pas faire droit à la demande de sursis présentée par Madame XXX.

Il fait valoir que si Madame XXX soutient qu’elle ne dispose plus de moyens de subsistance, aucune pièce justificative n’est produite à l’appui de cette assertion ; que la décision attaquée n’est entachée d’aucune irrégularité externe ; qu’en effet les dates mentionnées dans la décision ne sont en rien contradictoires ; que si l’un des documents a pu être produit en langue anglaise, Madame XXX, qui par ailleurs est parfaitement bilingue, pouvait sans difficulté en demander la traduction ; qu’elle avait accès à l’intégralité des pièces du dossier ; qu’aucune disposition du Code de l’éducation ne contraignait, avant l’intervention du décret n° 2023-856 du 5 septembre 2023, à rendre contradictoire la phase d’instruction et à établir des procès-verbaux d’audition des témoins ; que les moyens tirés de la composition irrégulière du dossier disciplinaire manquent en fait ; que l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ne saurait être tenue pour responsable de l’enquête occulte évoquée par la requérante ; que la décision attaquée n’est entachée ni d’ultra petita, ni d’omission à statuer ; que le silence de la présidente de l’université sur certaines allégations de la requérante ne peut être regardé comme valant acquiescement aux faits ; que l’obligation de respecter les règles de l’intégrité scientifique était antérieure à l’intervention du décret n° 2021-1572 du 3 décembre 2021 ; que les délais de procédure et de jugement ont été respectés ; que, s’agissant de la régularité interne de la décision du 7 juin 2023, aucun des faits qui ont été soumis aux premiers juges n’est prescrit ; que la requérante a exploité, à plusieurs reprises, les idées d’autrui sans en faire mention, en particulier celles de Madame YYY, sa doctorante ; qu’elle a ainsi manqué à la déontologie universitaire ; que les manquements à l’intégrité scientifique qui lui sont reprochés ne relèvent pas de simples erreurs excusables ; qu’elle a produit des documents insincères, notamment des présentations biographiques ; qu’elle a candidaté à des appels d’offres en citant des universitaires sans avoir recueilli préalablement leur accord ; qu’elle a enfin produit et utilisé à son avantage deux fausses lettres de recommandation, l’une signée par son ex-époux, se présentant comme un « research director » de l’UFR 04 de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’autre par le directeur de cette UFR, lequel a déclaré ne pas être à l’origine de ce document.

Par un mémoire en réplique daté du 6 décembre 2023, Madame XXX précise que la sanction de révocation qui lui a été infligée implique, par elle-même, une situation d’urgence, soutient que l’exception de prescription triennale n’a pas été respectée puisque le grief tiré de lettres de recommandation qualifiées de fausses était connu de l’administration depuis 2018 et reprend, en complétant leur argumentation, les moyens invoqués dans son premier mémoire.

Par un deuxième mémoire en défense daté du 18 décembre 2023, le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne soutient que la prescription triennale soulevée par l’intéressée n’est pas pertinente et maintient ses précédentes écritures.

Par un mémoire en duplique enregistré le 4 janvier 2024, Madame XXX reprend ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un troisième mémoire en défense daté du 5 janvier 2024, le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne maintient ses précédentes écritures.

Par un mémoire en triplique enregistré le 8 janvier 2024, Madame XXX reprend ses conclusions par les mêmes moyens.

Le rapport en date du 21 décembre 2023 de Frédérique Roux, professeure des universités, rapporteure auprès de la juridiction disciplinaire, a été mis à disposition de Madame XXX et de la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 28 décembre 2023.

Par lettres recommandées du 11 décembre 2023, Madame XXX, son conseil et la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont été régulièrement convoqués à l’audience du 11 janvier 2024.

Madame XXX et son conseil, Maître Didier Girard, étant présents ;

La présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne étant représentée par Ludovic Ayrault, vice-président finances et affaires juridiques, Soraya Messaï-Bahri, vice-présidente ressources humaines et Catherine Botoko, directrice des affaires juridiques ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8 et R. 232-23 à R. 232-48 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Après avoir entendu en séance publique, le 11 janvier 2024 à 14 h 00, le rapport de Frédérique Roux, rapporteure auprès du Cneser statuant en matière disciplinaire ;

La parole ayant été donnée, après la lecture du rapport, puis en réponse aux questions posées par les membres de la juridiction, tant à Madame XXX et à son conseil qu’aux représentants de la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;

Madame XXX s’étant exprimée en dernier, avant que la formation restreinte du Cneser statuant en matière disciplinaire ne délibère à huis clos ;

Considérant que l’un des moyens invoqués par Madame XXX, tiré du caractère disproportionné, au regard des faits qui lui sont reprochés, de la sanction de révocation qui lui a été infligée, paraît sérieux et de nature à entraîner l’annulation ou la réformation de la décision du 14 juin 2023 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; que, dès lors, en application des dispositions de l’article R. 232-34 du Code de l’éducation, il convient de faire droit à la demande de sursis à exécution de cette décision présentée par Madame XXX ;

Décide

 

Article 1 – Il est sursis à l’exécution de la décision du 14 juin 2023 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne prononçant à l’encontre de Madame XXX la sanction de révocation.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Madame XXX, à la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 11 janvier 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux et Marguerite Zani, professeures des universités, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 25 janvier 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux,

Le greffier en chef,
Éric Mourou

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